Une rétrospective à Montmartre met à l'honneur Auguste Herbin

Par  Faustine Prévot

Publié le 14/04/2024 à 08h01
Mise à jour le 14/04/2024 à 10h01

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À la découverte d'un maître
© KRÖLLER-MÜLLER MUSEUM

Cet Autoportrait d'Auguste Herbin (1906) annonce le côté précurseur du peintre.

Cet article est paru dans le magazine Le Pèlerin - Abonnez-vous

Le peintre du Cambrésis fut de toutes les avant-gardes du XXe siècle, avant de sombrer dans l'oubli. Une rétrospective le met enfin à l'honneur à Paris.

Les reflets nacrés du soleil sur la mer, un passant dans une ruelle constellée par les halos de réverbères, des grenades flamboyantes sur une nappe pervenche… Dès la première salle de son exposition consacrée au peintre Auguste Herbin, le musée de Montmartre, à Paris (XVIIIe arr.), justifie son titre : c'est un maître révélé. « Il est une figure majeure des grands courants de l'art moderne, du postimpressionnisme à l'abstraction, encensée par ses contemporains. Montré aujourd'hui dans les musées du Cateau-Cambrésis (Nord) ou de Céret (Pyrénées-Orientales), il reste pourtant boudé par les institutions de la capitale », explique la commissaire Céline Berchiche. La demeure de la rue Cortot, qui réunit 70 de ses œuvres, lui offre sa première rétrospective parisienne.

À la découverte d'un maître
© PHOTO CNAC/MNAM DIST. RMN ADAGP, PARIS

Avec leurs sujets étirés aux traits précis, Les joueurs de boules n° 2 (1923) sont emblématiques de la nouvelle figuration.

Une explosion de couleurs

Auguste Herbin (1882-1960) se révèle un génie précoce. Fils de tisserands du Cambrésis, l'adolescent, qui travaille chez un huissier tout en prenant des cours du soir de dessin, décroche une bourse pour étudier aux Beaux-Arts de Lille. Dès ses premières toiles, le prodige nordiste, émerveillé par les impressionnistes puis subjugué par Van Gogh, fait exploser les couleurs. À l'orée du mouvement fauve, en 1906, il se représente dans un chatoyant costume bleu-violet, le visage rosé sculpté de sillons vert olive. « C'est un autoportrait presque psychédélique, qui devance les expériences chromatiques de Robert Delaunay (1885-1941), avec ses touches larges qui structurent la composition », s'enthousiasme Céline Berchiche.

Le précurseur, qui s'ancre à Paris, va alors être de toutes les avant-gardes. Dès 1908, il glisse vers le cubisme pour dévoiler le monde dans toutes ses nuances : bouquet de roses, paysage méditerranéen, famille dans son intérieur… apparaissent sous plusieurs facettes éclatantes. Au sortir de la Première Guerre mondiale, Herbin bascule dans l'abstraction, en réalisant une série d'objets monumentaux (fresques, meubles…) destinés à embellir les villes qui s'industrialisent, une production cousine du Bauhaus allemand, mais sans équivalent en France. Incompris en son pays, il revient rapidement à la figuration, mais en conservant une dimension monumentale, avec cette fois des contours nets. « Toute sa vie, il a cherché la formule d'un art universel, analyse Céline Berchiche. En 1925, il prend un virage définitif vers l'abstraction pour proposer des tableaux qui peuvent s'apprécier sans références culturelles. »

À la découverte d'un maître
© ADAGP, PARIS, 2023 ARCHIVES GALERIE LE

Composition 1 (1919) s'imprègne de l'art abstrait et monumental, contemporain du courant Bauhaus.

Une œuvre multiple

En 1942, cette volonté de parler à tous amène le pionnier à inventer un alphabet plastique. Fasciné par L'art de la fugue de Bach mais aussi les poèmes Voyelles de Rimbaud et Correspondances de Baudelaire, il met au point un système de concordances entre lettres, formes géométriques, couleurs et notes de musique. Dans son inventaire à la Prévert, on trouve les illustrations des mots « père et mère », « lune », « été ». Mais aussi « Christ », superposition baroque de cercles, triangles et croix, et « Dieu », composition beaucoup plus dépouillée de disques rougeoyants se détachant d'un losange outremer. « Herbin est athée, mais son œuvre empreinte de spiritualité, souligne la commissaire de l'exposition. Sensible à la pensée théosophique, il estime que la création doit élever l'être humain. »

Cet expérimentateur qui n'a eu de cesse de se renouveler a laissé un héritage immense. Le pop art lui a rendu hommage, certains de ses motifs ayant été insérés par le peintre islandais Erró dans des collages foisonnants. Vasarely, le fondateur de l'art optique, célèbre pour ses effets stroboscopiques, l'a qualifié de « dieu ». Pour Céline Berchiche, « son influence va jusqu'à la BD puisque Hergé collectionnait ses tableaux, qui ont pu inspirer la ligne claire. Et, au-delà, ses formes gaies ont été assimilées par la société de consommation d'après-guerre, avec le design graphique, puis les [salles de] jeux vidéo d'arcade ». Avec cette rétrospective, la commissaire espère que Herbin, visionnaire au si puissant rayonnement, entrera enfin dans la lumière.

À la découverte d'un maître
© ADAGP, 2023

Parfum n° 2 (1954). Dès 1942, ses formes et couleurs composent un alphabet plastique universel.

Une adresse très confidentielle

À deux pas du Sacré-Cœur, à Paris, le musée de Montmartre forme un éden miniature. La demeure du XVIIe siècle, qui domine les vignes du Clos- Montmartre, a été le cœur battant de la création parisienne dès la Belle Époque (1871-1914), servant d'atelier à Auguste Renoir ou Suzanne Valadon.

Aujourd'hui, le site présente des expositions temporaires soignées et ses collections permanentes : 6 000 œuvres de Dufy, Toulouse-Lautrec, Modigliani… ressuscitant l'histoire de la Butte.

12, rue Cortot, 75018 Paris. Ouvert tous les jours, de 10 heures à 19 heures.

À la découverte d'un maître

Auguste Herbin, 1882-1960, le maître révélé, au musée de Montmartre, à Paris 18ème, jusqu'au 15 septembre 2024.

Infos sur museedemontmartre.fr

Commentaires

  • 17/04/2024 11:45 Répondre

    mahe patricia

    tres interessant
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