Hommage à Bernard Pivot, cet amoureux des mots et de la littérature qui a transmis sa passion aux Français

Sophie LaurantAnne-Laure BovéronDélia Balland

Par  Sophie Laurant, Anne-Laure Bovéron, Délia Balland, Faustine Prévot

Publié le 13/05/2024 à 15h31
Mise à jour le 13/05/2024 à 18h00

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Bernard Pivot
© Jean-Jacques Bernier/Gamma-Rapho

Plateau d'Apostrophes, le 8 avril 1983, avec François Truffaut, Jorge Semprun et Yves Montand (de g. à d.).

À 89 ans, le journaliste a refermé le livre de sa vie. D’« Apostrophes » aux « Dicos d’or », en passant par « Bouillon de culture », chacun de ses chapitres a marqué nos souvenirs de téléspectateurs.

On parle ici d'un temps que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître. Celui où la télé proposait seulement trois chaînes et où chaque fin de semaine ramenait des millions de téléspectateurs devant l'écran d'Antenne 2. L'artisan de ce rendez-vous culturel et festif, lancé le 10 janvier 1975, s'appelait Bernard Pivot. À 39 ans, ce natif de Lyon lance une émission sur le mode du salon littéraire: « Apostrophes était un régal, on se précipitait tous les vendredis soir », confirme Raymond, 91 ans, abonné du Pèlerin. Pour ce grand lecteur, « Bernard Pivot n'était pas bégueule, parlait simplement à tout le monde et encourageait tout un chacun à lire aussi bien les classiques en invitant des auteurs qui travaillaient dessus que des jeunes écrivains. » On salue l'intuition, le parti pris de l'éclectisme et l'art de réunir les publics populaire et littéraire qu'on croyait aux antipodes.

En 1990, Apostrophes tire sa révérence après plus de 700 rendez-vous et émissions spéciales consacrées à des monuments de la littérature. Raymond se souvient de « la complicité évidente de Bernard Pivot avec Jean d'Ormesson, mais aussi de Maurice Genevoix venu plusieurs fois ». Parfois, l'admiration que le journaliste vouait aux écrivains, et qu'il surjoua dans un mélange de sincérité et de malice, a pu l'aveugler. Ainsi, quand, sacrifiant à l'air du temps, il interviewa d'un ton badin l'écrivain Gabriel Matzneff (aujourd'hui accusé de viols sur mineures), en mars 1990. Une légèreté qu'il a regrettée depuis. Mais la postérité retiendra ses rencontres d'anthologie avec Marguerite Duras ou Alexandre Soljenitsyne, Prix Nobel de littérature en 1970. « Ça volait haut! » souligne Raymond. Au tournant des années 1990, Bernard Pivot ressent le besoin d'élargir son terrain de jeu. Cinéma, théâtre… enrichissent Bouillon de culture, sa nouvelle émission, toujours sur Antenne 2.

On a tous en nous quelque chose de Bernard Pivot
© Éric Garault pour Le Pèlerin

Bernard Pivot, chez lui lors de sa première rencontre avec Le Pèlerin, le 11 mars 2011.

On a tous en nous quelque chose de Bernard Pivot
© Eric Feferberg / AFP

Match amical au Stade de France, le 9 janvier 1998. Son amour du foot remonte à ses années de pensionnaire chez les frères de Notre-Dame du Sacré-Coeur à Lyon. Des « missionnaires du football », dira ce fidèle supporter des Verts.

L'éternel bon vivant

Déjà, l'amour des mots et de la langue lui a soufflé l'idée de lancer le Championnat de France d'orthographe, renommé plus tard Dicos d'or. Il laisse plus librement transparaître ses affinités pour le bon vin, le football ou sa région du Beaujolais. Entrer à l'Académie des Goncourt comble en lui l'amateur de littérature, de bonne chère et de convivialité. Il présidera le jury de 2014 jusqu'en 2019, année où il choisit d'écouter son envie de voyager et de voir plus ses proches, en particulier ses deux filles Agnès et Cécile. Il s'éloigne alors de la vie publique.

Le dernier chapitre de sa vie est dominé par la maladie qui l'a emporté le 6 mai dernier. Non seulement son nom figure déjà au fronton de bibliothèques et d'une école communale, mais il a fait son entrée dans Le Petit Robert et Le Petit Larousse, et il s'invite dans les familles. Ainsi, pour Cécile, 30 ans, il est associé à un rituel: « Chaque été, dans la maison de vacances de mes beaux-parents, une fois les enfants couchés, nous sortons le livre de dictées de Bernard Pivot de la bibliothèque. À tour de rôle, l'un de nous dicte aux autres. Moi que les exercices d'orthographe faisaient pleurer enfant, j'attends avec plaisir ce moment! » Bernard Pivot ne croyait pas à la postérité des journalistes. Il serait surpris.

On a tous en nous quelque chose de Bernard Pivot
© Ceccarini/Sipa

Finale des Dicos d'or, le 13 janvier 2001, à l'Olympia, à Paris.

On a tous en nous quelque chose de Bernard Pivot
© Bruno Lévy pour Le Pèlerin

Réunion avec l'équipe du Pèlerin, dont il parraina le Grand Prix du Patrimoine en 2011.

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