À Angers, une équipe mobile de soins palliatifs offre un accompagnement personnalisé aux patients

Pierre Wolf-Mandroux

Par  Pierre Wolf-Mandroux

Publié le 10/04/2024 à 10h01
Mise à jour le 10/04/2024 à 12h01

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À Angers, une équipe dédiée et nomade
© Cyril Chigot / Le Pèlerin

La Dre Hélène Schmets (à d.) et Laurence Lardy, infirmière coordinatrice (à g.), travaillent en lien avec les différentes équipes soignantes de la Sarthe, du Maine-et-Loire, de la Mayenne et des Deux-Sèvres.

Cet article est paru dans le magazine Le Pèlerin - Abonnez-vous

À l'Institut de cancérologie de l'Ouest, deux femmes se chargent de diffuser la culture du soin palliatif chez les soignants. Leur particularité ? Être une équipe « mobile ».

C''est seulement après avoir serré la main de la Dre Hélène Schmets, celle de l'infirmière Laurence Lardy et avoir accepté un café dans leur bureau que je réalise que je ne me trouve pas dans une unité de soins palliatifs. Au sens strict, s'entend. « Vous êtes dans l'unité d'hospitalisation conventionnelle de l'Institut de cancérologie de l'Ouest (ICO) à Angers », précise Hélène. Pourtant, elle et Laurence sont bien des spécialistes du soin palliatif. Leur tandem constitue l'unité « mobile » de soins palliatifs de l'ICO. Mobile, parce qu'elles se déplacent beaucoup, dans l'établissement et chez les patients.

En acceptant que nous les suivions une journée, Hélène et Laurence nous démontrent que le soin palliatif va bien au-delà des unités dédiées à cette discipline. Il est possible de diffuser cette culture avec de petites structures, comme la leur. « Nous consacrons un tiers de nos missions à la formation des soignants au palliatif », confirme Hélène.

soin paliatifs
© Cyril Chigot / Le Pèlerin

Les proches sont pris en compte afin de leur permettre d'accompagner au mieux les patients.

Alléger le fardeau émotionnel

Un exemple : chaque semaine, les soignants ont pris l'habitude de se réunir pour évoquer les cas compliqués. Pour alléger, aussi, le fardeau émotionnel. « Il ne faut pas que ce soit juste un groupe de parole, ou une réunion d'information. C'est un entre-deux », analyse Jean-Marie Commer, médecin de l'ICO. L'équipe peut passer trente minutes sur un cas. Ce jour-là, les soignants se demandent comment empêcher un patient toxicomane et instable d'arracher son pansement. Et sa compagne, peut-elle passer la nuit avec lui ? Non, pense Jean-Marie : « Il y a un risque de sécurité dans l'hôpital. Et elle passe déjà beaucoup de temps avec lui le jour. » Les soignants font remarquer que cette femme stresse le malade ; les disputes ne sont pas rares. « Ah, je ne savais pas, dit Jean-Marie. Ça conforte notre choix. » Une infirmière met en garde contre les préjugés qu'elle a observés à l'égard de cet homme : « On doit le prendre en charge aussi bien qu'un ambassadeur de l'ONU. »

Hélène demande à Laurence si elle veut venir rencontrer avec nous une patiente de 41 ans en phase terminale. L'infirmière hésite. « Je ne pense pas. J'ai peur que ça fasse trop de personnes dans la même pièce. » On reconnaît l'expert du palliatif à ces délicatesses.

La patiente, Marie-Claire, dégage une impressionnante sérénité. Elle n'a qu'une inquiétude : qu'on ne lui pose pas un drain à temps pour passer ses derniers jours chez elle, auprès de son mari et de sa fille de 6 ans. Sans ce drain, elle doit se rendre à l'hôpital pour des ponctions tous les deux jours. Le drain ne peut être posé que par un anesthésiste et un chirurgien. Or, leur planning s'avère trop chargé pour le moment, s'excuse Hélène, sa main délicatement posée sur la jambe de Marie-Claire. « Je ne peux pas me caler dans leur couloir ? » plaisante à moitié cette dernière. Contre toute attente, le sempiternel manque de moyens fait irruption dans la pièce.

Marie-Claire ne tarit pas d'éloges sur la bienveillance des soignants de l'ICO. Et leur intelligence. Face aux malades, les soignants, ici, évitent les grandes envolées philosophiques. « Tout doit partir du patient. Il ne faut rien leur suggérer », explique Marie Guerin, une infirmière. Les patients sont invités à exprimer leurs désirs, à trouver du sens dans ce qui pourrait être leurs derniers mois de vie. Les soignants font leur possible pour réaliser leurs rêves. Comme cet homme qui voulait partir six semaines en Espagne en camping-car avec sa famille : il y est parvenu. « On faisait les consultations en visioconférence, dit Hélène. C'était un peu rock and roll à la fin. »

Soudain, une jeune femme s'évanouit. Il s'agit d'une préparatrice en pharmacie novice. Hélène se rue sur elle. Elle lui intime l'ordre de rester allongée ; de ne surtout pas s'excuser. S'immerger dans un service de cancérologie n'est pas aisé. Le service connaît 120 décès par an. Comment ne pas craquer? « En n'oubliant jamais de se dire: quel est mon rôle aux côtés du patient, estime Hélène. Je pourrais m'effondrer en pleurs avec certains d'entre eux. Cela leur apporterait-il une vie plus paisible? Pas nécessairement. » Si elle ne se sent pas en forme, elle évite d'avoir plusieurs discussions difficiles en un jour. Ou passe le relais à un collègue.

À Angers, une équipe dédiée et nomade
© Cyril Chigot / Le Pèlerin

La Dre Hélène Schmets (à g.) prend le temps des visites pour écouter les patients : « Tout doit partir d'eux ! » précise l'infirmière Marie Guerin (à d.).

Savoir se remettre en question

Jean-Marie Commer a vu passer des collègues autoritaristes. Cela a créé des tensions. « Pour faire du palliatif, il faut accepter que d'autres questionnent nos décisions, juge-t-il. Ceux qui n'aiment pas ça ne le font pas longtemps. » « On ne peut faire du palliatif seul, ajoute Hélène. Les aides-soignants, par exemple, voient et entendent des choses qui nous échappent lors de la toilette. Leur regard est toujours précieux. » Le profil du médecin tout-puissant tend à s'estomper. « Ça a beaucoup changé, dit Myriam Breau, assistante sociale à l'ICO depuis trente ans. À mon arrivée, il n'y avait pas de psychologue ici, car le directeur se méfiait de cette profession… » Pour elle, le basculement se fit lors des États généraux de 1998 sur les droits des patients.

Ici, un infirmier peut rappeler au médecin qu'un scanner engendre la peur du résultat chez un patient. Il faut être sûr que cet acte aura une utilité. Marie Guerin a déjà suggéré au médecin d'éviter une nouvelle chimiothérapie à un patient qu'elle sentait très fatigué. « Il a prescrit une hormonothérapie. Il m'a écoutée », apprécie Marie.

Soin paliatifs
© Cyril Chigot / Le Pèlerin

Dans la salle abritant la pharmacie, strictement réservée aux médecins et aux infirmières, Héloïse prépare les médicaments.

+ 16% de patients concernés par les soins palliatifs d'ici à 2034.

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