Haïti : pourquoi personne ne vient à l'aide

Par  Jean-Michel Demetz

Publié le 21/03/2024 à 06h30
Mise à jour le 21/03/2024 à 07h30

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Pourquoi personne ne vient à l'aide
© DAVID LORENS MENTOR/SIPA

L'anarchie règne à Haïti, mis à feu et à sang par des gangs armés qui terrorisent la population et tentent de s'approprier le pouvoir. Ici, à Port-au-Prince le 12 mars.

Cet article est paru dans le magazine Le Pèlerin - Abonnez-vous

Les gangs imposent la terreur dans la capitale, Port-au-Prince. Une force internationale pourrait-elle rétablir l'ordre ? Les candidats ne se bousculent pas.

Après le chaos, l'horreur. À Haïti livré à la violence de dizaines de bandes armées, le désespoir touche à l'indicible. À Port-au-Prince, la capitale, les services publics ne fonctionnent plus, les forces de l'ordre sont en débandade, le gouvernement d'intérim mis en place après l'assassinat du président Jovenel Moïse, à l'été 2021, a démissionné, et l'aide internationale peine à arriver. L'envoyée spéciale de l'ONU, Maria Isabel Salvador, appelle au déploiement immédiat d'une force sous contrôle onusien au moment où « la violence des gangs a atteint un niveau sans précédent ». Pourtant la communauté internationale n'intervient toujours pas pour débarrasser la population de la terreur des gangs.

Le Kenya, qui avait accepté d'envoyer 1 000 policiers dans le cadre d'une mission de police de l'ONU (avec le Bénin, le Tchad, la Barbade, le Bangladesh, les Bahamas) a fait marche arrière. Et les États occidentaux ont écarté toute participation directe dans « la première République noire », née d'un soulèvement contre la France napoléonienne en 1804. Aux États-Unis, en campagne électorale, le président Biden ne peut courir le risque d'envoyer des Marines dans des combats de rue. Le coût politique d'éventuelles victimes dans un tel climat d'anarchie pourrait lui être fatal. Washington s'engage donc à financer le déploiement d'une force étrangère à condition de ne pas se trouver en première ligne. Au Canada voisin, où vit aussi une forte diaspora haïtienne, le Premier ministre, Justin Trudeau, soutient une position identique. « Cela fait trente ans que le Canada aide le peuple haïtien, déclarait-il à l'automne dernier face aux dirigeants des pays caribéens […]. La réalité est qu'il n'incombe pas à la communauté internationale de résoudre la situation pour Haïti. »

Une poudrière ingérable

Le précédent causé par la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah), déployée entre 2004 et 2017 afin - déjà - de rétablir l'ordre public, incite d'autant plus à la prudence. Ses soldats, au début issus de pays latino-américains, avaient essuyé de vives critiques d'ONG qui leur reprochaient une violence disproportionnée contre les gangs armés. Et les Casques bleus népalais avaient été accusés d'avoir introduit, en 2010, le choléra responsable de 10 000 morts. Quant aux policiers canadiens au sein de la Minustah, ils n'avaient pas été épargnés par les nombreuses allégations d'agressions sexuelles contre des civils imputées aux membres de la Mission. Dissuasif. « Après des décennies d'interventions internationales et des milliards d'euros en aide, la lassitude des capitales étrangères à l'égard de Haïti est réelle », souligne une récente étude du centre de réflexion International Crisis Group.

« Les forces chargées du maintien de la paix promises sont, de toute façon, trop peu nombreuses et sous-équipées », prévient Robert Rotberg, président émérite de la World Peace Foundation. Un des chefs de gang les plus puissants, Jimmy Chérizier, a d'ores et déjà promis « une guerre civile » en cas d'arrivée de soldats étrangers sur le sol haïtien. Son aimable surnom vaut programme : « Barbecue ».

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